• Sortie du 12 avril : Il y a mordu et mordu

Cette fois, on y est, au printemps, qu’ils se sont dit les Randos, quand « l’aurore aux doigts de rose » (c’est Homère qui parle ainsi, dans son épopée de la guerre de Troie et des aventures d’Ulysse), quand le jeune soleil du matin, donc, est venu frapper leurs paupières… Les plus avisés ont revêtu une tenue de circonstance, les plus frileux ont fait comme d’habitude depuis plusieurs mois. Du monde, au total, pas moins de 24 athlètes du dérailleur, une belle bande de mordus de la Petite Reine.

Des « mordus », j’use volontiers du terme pour nous désigner, sans avoir besoin de préciser qu’il faut l’entendre au figuré. Mon étonnement est donc grand en apprenant que notre cher Gaby Malto a récemment pris le mot au pied de la lettre, n’hésitant pas à offrir sa cuisse aux crocs d’un affreux molosse : te voici doublement mordu, mon petit Gabius, c’est respectable, mais franchement ce n’était pas la peine de te donner un mal de chien pour en arriver là. J’espère au moins que le médor n’est pas tombé malade, vu que la malto, les anti-oxydants et tout le bataclan, c’est pas bon pour les toutous. « Cave canem », disaient déjà les Romains, ce qui signifie « attention au chien » et non pas « des canettes dans la cave ».

Un beau petit parcours vallonné, un ciel voilé puis dégagé, une température de plus en plus douce, et des arbres en fleurs, blanches et roses, qui donnaient à la campagne lorraine un petit air d’estampe japonaise… On aurait eu tort de s’en priver, voici qui justifie qu’on ne se lasse pas de notre cher vélo. Et comme un plaisir ne vient jamais seul, on a eu aussi celui de rouler groupés jusqu’à la pause. Après la pause aussi, d’ailleurs, mais différemment. Pour l’atteindre, la pause, il a fallu se coltiner la fameuse côte de Châtins-Salaud, qui a plus d’une mauvaise pente dans son sac, comme son nom le suggère.

J’ai idée qu’avec les renforts du menuisier et du commissaire (et du chimiste batave, mais aujourd’hui il se prenait chez lui un bon polder), le groupe des costauds s’est étoffé : j’en ai compté 15 à l’avant après la pause (15 en m’incluant, désolé), qui se sont offerts une bonne, une vraie, une sacrée partie de manivelles. Faut dire que c’était souvent descendant, ou très roulant, mis à part le coup de cul de Manhoué et les côtelettes de Leyr : au moins, en ralentissant, on a eu le temps de les admirer sur leur trottoir, les hôtesses de Leyr (ouais, bon, on fait ce qu’on peut). Donc, ça file, ça file, de vrais démons, des frénétiques, à Fresnes pas le moment de freiner, à Malaucourt le mal court toujours, et à Lanfroicourt on s’avise qu’à cette vitesse on va rentrer avec une heure d’avance. Une catastrophe.

Donc, le maître ès parcours, le Pierre-qui-roule, il initie un vaste détour, sans arrêt à Han, droit sur Jeandelaincourt, qui se nommait autrefois Godelincourt, on se demande pourquoi, et qui fut célèbre pour sa tuilerie, désormais fermée. On ne s’attarde pas dans le mièvre Moivrons, et une fois pris Leyr, c’est la dégringolade à fond la caisse sur Custines (qui s’appela d’abord Condé, puis sous la Révolution Port-sur-Moselle, avant de prendre le nom d’un ancien gouverneur de Nancy). C’est qu’ils ne manquent pas de mordant, les mordus. Mais là, à Custines, le drame ! Les avaleurs de bitume ne veulent pas prendre la piste cyclable, des fois qu’il y aurait trop de monde, je vous demande un peu : ainsi, j’aurai été le seul à prendre le temps de converser avec les cygnes, les hérons et les cormorans, et sur la piste, en fait de monde, il n’y avait pas un chat. Et pas un chien. Comme quoi, on peut être à la fois mordu et pas mordu.

Je vais arrêter là mon pavé, en ce jour de Paris-Roubaix, ça deviendrait indigeste.
Mais tout de même, j’en offre un, de pavé, à ceux qui n’ont pas participé au VVV de mardi dernier et qui n’ont donc pas reçu la chronique que j’en ai tirée. Comme elle semble avoir bien plu, je vous en fais profiter, petits veinards – voir pièce jointe (j’y parle de l’énigmatique « Homme-vélo », et pour que vous compreniez tout, je précise que son nom est Maréchal).
Reynald