La petite chronique de Reynald

Le 11 décembre 2024

Portière : 

« Chaque cycliste, même débutant, sait qu’à un moment où à un autre de sa vie, il aura rendez-vous avec une portière de voiture » (Paul Fournel, Besoin de vélo).

Remco Evenepoel vient d’en faire l’amère expérience, lors d’une sortie d’entrainement :

Le double champion olympique aux Jeux de Paris (course sur route, contre-la-montre) a heurté la portière d’un véhicule postal garé sur le côté de la route, indique le quotidien Het Nieuwsblad. Le facteur aurait brusquement ouvert la portière de sa voiture au passage du coureur. Sous la violence du choc, le cadre du vélo doré d’Evenepoel s’est brisé en deux, comme le montre une photo publiée par le journal belge. La victime a subi une triple fracture (main, côte, omoplate).

Voici la suite du texte de Paul Fournel, lu lors de la soirée de fin d’année des VVV :

Chaque cycliste, même débutant, sait qu’à un moment ou à un autre de sa vie il aura rendez-vous avec une portière de voiture. Elle peut s’ouvrir devant lui à chaque instant, du côté droit, du côté gauche, au moment où il s’y attend le moins, au détour d’une rue, à la croisée de deux chemins, au beau milieu d’une ligne droite déserte.

Comme cycliste urbain, j’en ai une collection complète à présenter : portière droite, portière gauche, portière haute de camion, portière basse de cabriolet, toutes servies avec leur cortège de réactions, depuis le rarissime « Excusez-moi » jusqu’au « T’avais qu’à faire gaffe », en passant par le pittoresque «Vous avez écaillé ma peinture ». A vitesse raisonnable cela se solde par une fracture du doigt, un traumatisme de l’épaule, une migraine tenace, un grand écart dangereux sur la chaussée encombrée.

J’ai eu l’honneur de débuter très jeune dans cette discipline et j’ai obtenu ma première portière au tout début de ma carrière. Je revenais d’une minime promenade avec mes cousins et roulais sagement à droite comme on m’avait enseigné à le faire. Nous rentrions vivement puisqu’il était déjà l’heure de l’apéritif. 

La portière s’ouvrit devant moi sans l’ombre d’un scrupule. Mon vélo resta de ce côté-ci et je m’envolai par-dessus, d’un gros bloc – à l’époque, je n’utilisais pas encore de cale-pieds. J’atterris sans douceur de l’autre côté, la tête la première dans le gravillon. La moitié de mon visage était grêlée de petits cailloux sales. Je pouvais sentir mes lèvres et mon arcade sourcilière gonfler. J’étais borgne et muet. Ma propre mère pourrait-elle me reconnaître ?

La dame qui m’avait fait cette surprise, considérant mon jeune âge, était fort embarrassée. Elle me prit dans ses bras, me porta dans son jardin en essayant d’inventer toutes les solutions imaginaires pour effacer ce vilain moment de nos deux existences, Elle désirait surtout s’assurer que je n’avais rien de cassé et semblait vouloir compter mes os un à un. « Je ne l’ai pas fait exprès », m’assurait-elle, ce dont j’étais parfaitement convaincu puisque je connaissais déjà mille manières plus efficaces de tuer son petit prochain. Je la trouvais brouillonne et commençai à attendre ma maman avec quelque impatience. C’est alors que la dame eut l’idée géniale de m’apporter un grand verre de Martini pour me remonter. Je le bus cul sec et pris, immédiatement après ma première portière, ma première cuite. La dame se penchait sur ma tête enflée et, comme elle avait de grosses joues, j’avais envie de la gifler. J’étais parfaitement saoul, parfaitement amoché, parfaitement violent et mon seul désir était de remonter sur mon vélo.

La petite chronique (2) : Le réflexe Remco >